Investissements en terres mais non productives, commerces et négoces non lucratifs, avait mené cette famille de notables à se voir dépossédés de leurs biens. Années après années, mois après mois, ventes après ventes, ils avaient vus toutes leurs terres, tous leurs commerces disparaîtrent en paiement des usuriers. Leurs derniers écus servaient à s’acheter leur pain quotidien et encore… De leurs fortunes combinées, il ne leur restait qu’un château tombant en ruine et leur titre de Baronnie… Vivant chaque jour de plus en plus sous les dettes, ils tentaient de garder bonne figure en public. Tout le monde savait bien entendu le mode de vie qu’ils menaient. Le seul avantage de cet état c’est qu’ils étaient dispensés d’impôts et en ce moment c’était un gros avantage. Tout cela ne les empêchaient nullement de paraître en public. Aussi avaient ils trouvé un remède provisoire, pour entretenir un peu leurs possessions, et s’offrir quelques toilettes de temps en temps…
Connus et reconnus dans le royaume suite à leurs engagements auprès des instances, tant dans l’Ost que dans l’Hérauderie, ils étaient très souvent conviés aux cérémonies réservés à leur rang et ne manquaient aucune occasion de se faire voir… Celle-ci était la énième à laquelle il allaient assister, ils venaient bien entendu pour prêter allégeance, bien que leur aide ne servait plus à grand-chose, mais leur autre but était tout autre… Cet autre but leur avait permis de ne pas quitter leur château et de régler quelques dettes depuis qu’ils s’y étaient mis… Cette « chose » était vite devenue « vice » puis « habitude »…
Elle portait un chapeau teinté écru des années 20 qu’elle avait pour habitude de mettre, considérant qu’il lui avait porté chance jusqu’à maintenant, accommodé d’une robe claire soulignant sa prestance qui elle n’avait pas dérogée, soucieuse de son apparence, elle n’hésitait pas à montrer ses atouts dans ces lieux cérémonieux, affichant souvent un sourire charmeur que les années n’avaient en rien entamé. Mais tout cela n’aurait malheureusement pas trompé un œil averti et n’importe quel observateur aurait vu que tout dans son attitude tendait à masquer une certaine fourberie…
Le Baron, quant à lui, portait bien haut ses couleurs, grand et élancé, il avait réussi à se maintenir en forme depuis son départ de l’Ost à cause de son dernier duel. Que lui s’était-il donc passé pour qu’il en arrive à tuer son capitaine. Duel qui s’était déroulé dans les règles de l’art mais ne s’était pas déroulé comme prévu. Le but était de faire mordre la poussière à cet avorton qui venait juste d’intégrer l’Ost et qui avait pris les anciens soldats de haut. Ils avaient tirés à la courte paille et ç’avait été à lui de s’y coller. Résultat : un mort, un départ de l’armée sans solde et le début de la ruine pour lui et sa famille. Ce jour devait être faste pour eux, du beau monde, riche de surcroît, beaucoup de bijoux, d’argenterie. Sa bedaine allait se remplir au fur et à mesure de la cérémonie. Il fallait vraiment chercher pour se rendre compte que son ventre était une baudruche destinée à accueillir sa récolte du jour.
La cérémonie venait à peine de commencer, ils entrèrent aisément et discrètement dans les lieux. La baronne, en habituée de ce genre de situation, parcourait du regard les lieux, repérant l’argenterie qui pouvait être accessible….Elle chuchota au baron…
Ils ont augmentés les effectifs de la sécurité. Ils ont du finir par se rendre compte de ce qui disparaissait à chaque cérémonie. Il va falloir se méfier mon ami.….
Quelques hochements de tête en guise de salutations, mais c’était plus eux qui saluaient les autres car plus personne ne venait les voir, ni les invitaient chez eux. Ils se frayèrent un passage afin de rejoindre la grande table où trônait quelques chandeliers admirablement lustrés, ainsi que des cuillères étincelantes, il ne restait plus qu’à se servir discrètement sans que la maréchaussée les voit, nan, il valait mieux attendre que les allégeances démarrent avant de commencer à se servir. Ils faisaient bonne figure devant l’assemblée, elle troublait, par son sourire, les hommes qui les regardaient et jetait de tels regards aux femmes que celles-ci préféraient se détourner d’eux. Technique qui avait fait ses preuves et qui montrait bien que le genre humain restait fidèle à lui-même. Un homme ne vaut plus rien devant un joli minois et des arguments convaincants. Et chaque femme reste jalouse de celle qui hypnotise les hommes qu’elle-même ne peut séduire. Ils avaient commencer leur petit manège, le Baron avait déjà quelques menus choses dans sa bedaine, facile, il faisait mine de s’appuyer à la table et hop, une cuillère disparaissait dans sa manche. Il n’avait plus qu’à la faire glisser dans son pourpoint, puis lorsqu’il n’y aurait plus de place à cet endroit, il les ferait glisser dans les petites poches cousues de long des manches de son mantel… Bon fallait surtout pas se faire repérer, il piquait à droite à gauche mais jamais deux fois au même endroit.
Ils reprirent leur repérage et se demandaient déjà à quoi ressemblerait leur prochaine victime lorsqu’il sentit la main de sa femme lui enserrer le bras. Il laissa son regard vagabonder un instant avant de la regarder. Il vit ses yeux qui brillaient comme jamais avant. Il tenta de suivre son regard et n’aperçut que la Vicomtesse de Clérieux. Que voyait-elle donc qui lui faisait oublier le reste ? Puis tout à coup il comprit. Pas besoin de mots pour comprendre ce qui avait hypnotiser la baronne. Celle-ci n’arrivait plus à détourner son regard de l’objet qui devait absolument lui appartenir. La plus belle chose qu’elle avait vu depuis des lustres, elle l’imaginait déjà trônant dans son salon, au milieu des livres, rayonnant au milieu de la pièce… Elle donna un léger coup de coude au baron et lui désigna discrètement le fauteuil de la gouverneur… baron et baronne de percy
Ruses et réflexions s’imposaient pour pouvoir atteindre ce fauteuil tant désiré par sa douce… Le souci avec elle, c’était que quand elle avait quelque chose en tête, elle lui cassait le casque à pointe jusqu’à ce qu’elle ait obtenu satisfaction. Il allait devoir user d’anciennes techniques pour assouvir son désir, une certaine violence n’était pas à exclure, dommage il préférait la discrétion…Vieux voleurs de luxe, ils avaient l’habitude de voir la prévôté. C’est sans aucun problème qu’ils avaient repéré les jeunots du jour. Ils étaient aussi visible que les yeux au milieu de la figure ces deux-là, devaient pas être là depuis très longtemps, ça se voyait. Il pensa en les voyant…
La jeunesse… Certainement de nouveaux diplômés en mal d’actions, prêt à tout pour avoir du galon, quand jadis, j’étais soldat, on agissait bien souvent pour des choses bien plus importantes…
Ils les avaient vu se déplacer l’un vers l’autre puis vers une autre. Celle-là ils la connaissaient. Moins facile à berner à première vue, mais faut toujours se méfier. Pis la dernière changea de place à son tour pour s’approcher d’un commissaire. Le baron baissa la tête rapidement, tandis que sa femme souriait en direction de la Vicomtesse. Celui-là, ils ne l’avaient pas vu. C’était ça la mauvaise impression qu’il avait depuis qu’ils étaient entré dans la salle des allégeances. Il avait eu comme qui dirait, des yeux collés dans le dos, depuis plus d’une heure. Malédiction ! Il enserra sa moustache bien taillée autour de son doigt, geste typique de stress intense chez lui, étaient-ils repérés ? Ils avaient été des plus discrets pourtant et avaient à peine volé quelques cuillères…
Il décida de jouer l’innocence et se mit à sourire à tout va. Il stoppa net la récupération des petites cuillères. Il reporta son attention sur la Vicomtesse de Clérieux, c’était la seconde fois qu’elle était gouverneure mais celle-là elle ne l’oublierait pas de sitôt. Elle restait figée sur le fauteuil… Il était bien tôt pour pouvoir le dérober, il fallait le garder pour la fin mais en attendant, ils devaient se remettre à leurs courses… Désormais il fallait la jouer serré. Il monterait la garde et elle ferait les courses. Elle s’approcha d’une personne forte aisée d’apparence et discrètement plongea sa main dans son sac, aisément, elle lui déroba sa bourse, bien plus remplie qu’elle ne l’avait imaginé… Aucune réaction de la gente dame, elle ne s’était aperçut de rien, bien trop concentrée à absorber les paroles de la gouverneur…
Elle regarda le baron d’un sourire complice , signe d’inquiétude, le voyant ainsi jouer de sa moustache il n’eut rien à dire, elle compris immédiatement… Les gardes… Se retournant, elle vît deux gardes un peu trop proches d’eux mais n’aperçut point le regard du commissaire sur eux… Elle tira sur la manche du baron et se mêla un peu plus à la foule, se rapprochant d’autant plus de l’objet tant désiré…